Cheveux en bataille, cernes creusées, teint pâle, traces de terre sur les tempes, pantalon déchiré, une manche de sa veste presque arrachée, sac à dos toujours attaché à l'épaule, Wen entre dans Lux. Elle fait presque peur aux passants, mais le pire, c'est son regard sidérant, en colère, plein de haine. Marche droit devant toi. Elle connait la route par cœur. Son pas est décidé, rythmé.

Au pas de la porte, elle frotte ses pieds. C'est mécanique, et vu son état, inutile. Mystérieusement, celle-ci s'ouvre toute seule. Il lui faut deux secondes pour entrapercevoir cette peau verdâtre, trois pour l’attraper, quatre pour enlace Henry avec force, et ne pas le lâcher tout de suite. Elle plante sa tête dans son cou et respire. Un peu de chaleur humaine, une odeur agréable, réconfortante. Enfin.

Puis elle s'écarte de Henry, lui lâche un sourire en coin et lui passe devant, adressant à Luka une petite caresse sur la tête au passage. Et son regard se durcit de nouveau. Le même qu'elle avait en arrivant, elle l'adresse à la table d'aventuriers. Elle les menace tout en balançant son sac sur la table, qui s'écrase dans un bruit fort et tintant. Ils la regardent. Surtout le nouveau, qui déjà ne faisait pas le malin. Un autre type vient lui glisser un mot à l'oreille et le nouveau sursaute. Et Wen sourit intérieurement. Elle se retourne vers Henry, se vautre sur sa chaise et l'attend.

Délicatesse, bonjour.

Henry est tendre, et Wen n'est pas forcément habituée à recevoir de la tendresse. Cette sensation l'étonne, la déconcerte, prenant le pas sur sa fatigue. Elle se laisse aller à un petit sourire en coin, tout juste perceptible derrière ce visage sale. Curieusement, le souvenir de sa mésaventure devient moins désagréable. Elle peut lui en parler calmement.
Je ne sais plus si je t'avais expliqué avant de partir mais j'étais en mission animalière pour Dara, encore, et ça s'est bien passé, on va dire, les trois premiers jours. Il voulait en savoir plus sur la faune de Lux, si les animaux ont des particularités, comment ils vivent comparés à ce qu'on en sait sur terre... Enfin des informations qui nous sont arrivées, parce que, de ce que j'ai compris des nouveaux, l'avancée dans les recherches et en matière de technologie sur terre c'est... Phénoménal ? Avant que je parte, j'ai croisé un nouveau savant qui m'a expliqué qu'ils travaillaient énormément sur des "rat-taupes nus" qui ont des facultés tellement épatantes qu'on pourrait faire vivre les humains encore plus longtemps grâce à eux, non mais, c'est dingue, ça !
Wen se saisit de sa boisson, la meilleure, Henry sait décidément y faire, et boit un coup. Comme ça fait du bien.
Donc, j'ai passé trois jours à prendre des notes, j'ai encore remplis tout un carnet, j'ai vu une flanquée d'oiseaux, des marmottes, des lapins, des chèvres sauvages, et une tripotée d'autres trucs, il y en avait dont je ne sais même pas le nom... Et donc, ça allait. J'ai ma petite vie, mes petites affaires, je suis montée jusqu'à l'autel rouge, et puis j'ai commencé à redescendre parce que je fatiguais. Et là ça s'est gâté. D'abord, il y a eu la pluie, donc j'ai eu du mal à sauver le carnet, ensuite le vent, et j'ai fini par passer une nuit dans la tempête parce que je n'ai pas trouvé un seul endroit où m'abriter. Et puis le lendemain, j'ai croisé un loup. Pas commode du tout. J'ai dû lui faire peur, parce que lui aussi m'a fait flipper, il a sorti les crocs et toute la panoplie, au début j'ai réussi à rester calme, mais impossible d'utiliser ma lueur pour le faire partir, donc j'ai reculé tout doucement... Jusqu'à ce qu'il bondisse en avant. Là j'ai vraiment eu peur et je me suis mise à courir. Il ne m'a pas suivie, il n'était pas avec sa meute donc il dû vouloir m’impressionner, mais purée ça a marché. J'ai couru très longtemps, jusqu'à tomber, forcément, en pleine forêt dans la boue. Voilà. Et deux jours de marche en plus et j'en suis enfin sortie. Je suis fatiguée je crois.
Elle reprend une gorgée et soupire. La maison, c'est pas si mal quand même.