Revenir en haut Aller en bas /
Le Deal du moment : -28%
Précommande : Smartphone Google Pixel 8a 5G ...
Voir le deal
389 €

 :: RPs
Invité
Invité
LE CHAT ET LA SOURIS

Ni l'un ni l'autre ne dansent
Le soleil commençait tout doucement à prendre congé du ciel et l’horaire avançant indiqua à Butch qu’il était temps qu’elle fasse de même. Elle ne travaillait pas de nuit, du moins pas ce soir, et elle prit la même décision que tous les autres soirs où elle était relevée de son service : travailler quand même, mais aux endroits qu’elle choisissait. Et ces derniers temps (compter les quinze dernières années) elle appréciait tout particulièrement l’ambiance d’un petit bar situé dans la rue animée de Lux, pour la simple et bonne raison qu’il lui rappelait un bar de flics.

La population ne grouillait pourtant pas de membres de la Droiture, mais quelque chose dans les boiseries, dans le bar collant, dans les fléchettes du fond de la salle et même dans la moustache du patron lui évoquait irrémédiablement ce petit pub en face de son commissariat de New York dans lequel elle allait faire des afterworks avec ses collègues. Un endroit simple, pour des gens simples, ce qui offrait à l’époque une pause agréable dans le rythme effréné de la ville. Ca n’avait guère plus de sens, maintenant, mais elle y était restée accrochée, par nostalgie. Karin n’avait jamais compris ce besoin de calme. Elle ne l’avait d’ailleurs jamais accompagnée là. Mais était-ce parce qu’elle n’avait jamais émis le souhait de le faire, ou parce que Butch avait toujours esquivé le moment fatidique de la rencontre de son « mari » avec son équipe ?

Le temps avait fait son office, et elle ne s’en rappelait plus. Tout se délitait et se déliterait encore, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de Karin, ni son visage, ni son sourire, ni son rire, ni…

Merde, elle avait vraiment besoin d’aller boire un coup.

Ses semelles claquant contre les pavés en direction de l’établissement, elle retira sa veste d’uniforme au vol et entreprit de remonter ses manches de chemise (tout officier savait bien qu’il était impossible de se détendre sans remonter ses manches). Elle finit par abaisser la lourde poignée de laiton, et posa un pied ferme sur le parquet grinçant.

« T’es sure que t’es pas de service, ce soir ? »

Monsieur Moustache au bar faisait la même blague depuis quinze ans qu’elle venait, et il ne cessait visiblement de la trouver drôle. Butch se contenta d’un vague sourire, et s’installa au comptoir après avoir accroché ses affaires à l’antique portemanteau qui semblait prêt à s’effondrer à la moindre brise.

« Même les meubles sont immortels, ici.

Te moque pas, jeune fille. C’est un Confectionneur de premier rang qui m’a fait ce cadeau. Bon, c’était avant qu’il devienne de premier rang, mais il est jamais tombé et il a jamais cassé.

C’était déjà un visseur de premier rang, j’imagine.
»

Le barman prit un air faussement outré et entreprit d’essuyer ses verres, alors que Butch étendait ses jambes au maximum. Elle n’avait pas mal lors des patrouilles, mais c’était tout de même plaisant de s’asseoir à la fin de la journée et de se dégourdir les pattes.

Une commande de bière plus tard, une pinte mousseuse devant elle, Butch commençait à se dire que la vie n’était finalement pas si mal que ça quand son ami moustachu reprit la parole.

« T’as l’air au bout du rouleau.

Je suis pas au bout du rouleau.

Je dis pas que t’es au bout du rouleau, je dis que t’en a l’air.


Admettons. Et donc ?

Et donc je repensais à une phrase de mon grand-père… »

Butch empoigna par réflexe son verre et but une grande lampée de bière. Elle ne connaissait que trop ce genre d’histoires, et ça l’épuisait d’avance, d’autant qu’elle avait compris assez récemment que le patron inventait tout sur le moment. Un psy, mais en moins bien.

« Et bref, il disait que peu importe l’époque à laquelle tu mettais tes mirabelles dans tes bocaux, tant que tu n’y mélangeais pas des cailloux, alors le serpent tenterait d’y toucher quand même.

…J’ai rien compris.

Ce que je veux dire par là, c’est qu’on est pas obligés d’être bons tout le temps. Même si on aime l’ordre, les proverbes, ou les mirabelles. »

Le grincement de la porte interrompit la conversation une énième fois, et Butch se retourna avant de froncer les sourcils. Elle connaissait bien la dernière entrante, et elle avait maille à partir avec elle depuis quelques années. Elle s’était échappé la dernière fois, mais ce coup-ci…

Mais ce coup-ci, il y avait prescription.

La policière jura entre ses dents.

« Tu feras gaffe, y’a un Roublard dans ton bar.

Ca me peine beaucoup ce que tu me dis. J’ai longtemps réfléchi a mes tarifs pour qu’ils soient le plus honnête possible. »

Butch leva les yeux au ciel et descendit de son tabouret. Elle ne savait pas ce que Dolly fabriquait ici, mais elle allait la marquer à la culotte. La Roublarde n’aurait aucune chance si elle avait le malheur de dévier du droit chemin, ce coup-ci.

« Butch…

Quoi ?

T’es plus en service.

Je suis toujours en service. »

Le dos droit et un sourire confiant, elle s’avança vers Dolly afin de lui signifier sa présence.

« Bonsoir. J’ignorais que vous veniez dans cet établissement. »

Sans quoi j’aurais demandé à Big Moustache de planquer le fond de caisse, songea t’elle. Mais maintenant qu’elle venait d’indiquer très clairement qu’elle était là et qu’elle la tenait à l’œil, il ‘y avait plus qu’à attendre le faux pas qui viendrait, inévitablement.

Derrière son bar, le propriétaire esquissa un sourire. C’était le même scénario qui tournait en boucle depuis quinze ans. Il n’avait jamais eu de problèmes, et ce même avant l’arrivée de Butch, mais elle persistait à tourner en rond sans même s’en rendre compte. Il y aurait toujours un autre roublard et une autre soirée « pas de service », et ce n’était pas faute d’essayer de lui dire.

Comment disait son grand-père, déjà ?

Il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas écouter.

Avec un haussement d’épaules, il se remit à essuyer ses verres.

(c) AMIANTE

Anonymous
Roublardise
Dolly
Roublardise
Si les fêtes de la Cour des Miracles n’ont pas d’égal possible, tu es tout de même une adepte des bars et des boîtes de nuit, Dolly. Tu l’étais dans ta vie sur Terre, et malgré tout ce qui t’es arrivé sur cette même Terre, tu l’es toujours ici. Simplement, tu te méfies un peu plus des gens que tu peux y rencontrer.

En général, les bars de Lux sont toujours très intéressants à fréquenter ; ils te renvoient à divers époques, d’anciennes générations. Et pour cause : les patrons peuvent avoir ouvert il y a des décennies, voire des siècles ! C’est toujours un changement agréable par rapport aux bars et aux boîtes plus modernes. Non pas que ce qu’il y a à Lux soit exactement « moderne », mais on fait ce qu’on peut. Enfin. Tu n’es une habituée nulle part, vraiment ; tu changes de bar à chaque sortie. Tu n’as d’attaches nulle part ; on ne te reconnait pas. Et surtout, on ne peut pas te retrouver. Tu fais toujours de ton mieux pour ne pas laisser de traces. Réflexe de Roublarde ou réflexe de victime ? Peut-être un savant mélange des deux.

Ce soir, tu as besoin de sortir. Pas spécialement de danser, ou de rencontrer de nouvelles personnes. Juste de sortir ; toi qui es toujours inspirée manque soudainement d’inspiration pour tes costumes. Ça arrive. Généralement, la meilleure façon de remédier à cela est de sortir, et d’observer. Que ce soit le paysage ou les gens, tu trouves toujours une forte inspiration en observant les autres. Surtout ceux d’une autre époque ; ils sont toujours fascinants quand ils sont dans leur élément, dans le passé. C’est ironique ; bientôt, ce sera toi cet être dans son élément dans le passé. Peut-être que tu l’es déjà. Tout va tellement vite sur Terre.

Ce soir, tu as laissé tes pas te porter jusqu’à un petit bar, relativement étroit, qui semblait être un mélange entre un pub irlandais et les bars clandestins de la prohibition américaine. Le bois est sombre, et la couleur dominante semble être le vert émeraude, sous la forme de velours sur les banquettes. Tu es déjà venue une ou deux fois -ou trois ou quatre- dans ce bar, et alors que tu mets un pied à l’intérieur, un souvenir te frappe. Le patron se souvient de tous les visages, il t’avait prévenu la première fois que tu étais venue. Première fois où tu avais tenté de voler un portefeuille et qu’il t’avait empêchée, sans pour autant prévenir des Lignes pour autant. Les Lignes, c’est comme ça que vous appelez les Droits chez les Roublards. Parce qu’ils sont rigides et droits. Malgré le fait qu’il se souvenait de ton visage et de ce que tu avais tenté de faire, il t’avait laissée revenir dans ton bar, tant que tu restais honnête. Et tu étais restée honnête. Pas juste dans ce bar de nos jours, dans ta vie en général. Le patron était un gars bien, et tu te demandais pourquoi tu ne revenais pas plus souvent. Ah, oui. Tous ceux prétendant être des gens bien ne le sont pas nécessairement. Tu en avais fait les frais.

Mais tu n’as pas le temps de prolonger cette pensée puisque quelqu’un vient à ta rencontre. Un sourire confiant et un dos droit ; si toutes les Lignes se ressemblent, tu te souviens de celle-ci. Elle est la première à t’avoir jamais attrapé ; et tu lui as adroitement échappé. Hélas, depuis, à chaque fois que vous vous croisez -que les étoiles soient remerciées, ce n’est pas très récurrent- elle te jette ce regard noir, celui qui dit « je sais que tu es une criminelle, et je t’arrêterai dès que je le peux ». Parfois, ce regard est suffisant. C’est le cas aujourd’hui. Que ce soit très clair, tu ne peux pas vraiment lui en vouloir. Tu es une Roublarde, elle est une Ligne. Tu as commis un crime, elle t’a attrapé, tu t’es échappée, et elle n’a jamais pu te faire condamner pour cela, ni même prouver ta culpabilité. Tu peux comprendre qu’elle t’en veuille et qu’elle veuille faire son travail en te mettant derrière les barreaux. Mais par les étoiles, c’était il y a un an et demi, les gens peuvent changer ! Bon, certes, beaucoup de Roublards -la plupart pour être honnête- demeurent dans l’illégalité ou dans une zone grise entre légalité et illégalité. Mais toi, ce n’est pas le cas. Tu n’as jamais été très à l’aise avec les délits ou les crimes, et ce que tu faisais à ton arrivée et les mois la suivant, c’était avant tout pour survivre ! Maintenant, tu es une honnête citoyenne. Enfin, quand les fins de mois ne sont pas trop difficiles. Par chance, elles se font de moins en moins difficiles.

Alors, tu lui fais un sourire enjôleur -le même que tu lui avais fait lors de votre première rencontre, quand tu avais essayé de la convaincre de te laisser partir en la charmant- et ne montre aucun signe de ta nervosité -car tu es nerveuse, par peur que ton passé de délinquante revienne te frapper quand tu ne t’y attends pas. Ce n’est pas difficile de cacher ton sentiment pour en simuler d’autres ; c’est ce que tu fais constamment.

« Et j’ignorais que vous y veniez également. Maintenant que je le sais, je viendrai peut-être plus souvent. », tu réponds.

Tu ne t’autorises cet air enjôleur, cette fausse séduction, que parce qu’elle est une femme. Tu ne le ferais jamais avec des hommes ; qui sait quelles idées ils pourraient se faire, et qui sait ce qu’ils pourraient te faire à toi ?

Elle se tient en face de toi, majestueuse, confiante. Elle est ici dans son bon droit, et elle le sait. Dolly est une Roublarde, elle devrait rester avec les siens dans les coins puants de miteux de Lux. Tu fais un pas en avant, refusant de dévier ta trajectoire pour une Ligne. Tu peux être confiante aussi, si tu le désires. En donner une apparence, en tout cas. Tu es plutôt grande, Dolly, mais pas aussi grande qu’elle. Et merde, elle gagne le combat de la domination par la taille.

« Est-ce que je pourrais passer, si ce n’est pas trop demander ? J’aimerais aller boire un verre. »

Derrière la Droite, le patron observe cet échange d’un œil se voulant distrait, mais tout de même attentif.
Dolly
Messages : 199
Pièces : 428
https://luxessemus.forumactif.com/t65-fluctuat-net-mergitur-dollyhttps://luxessemus.forumactif.com/t52-deus-ex-machina-dolly

Feuille de personnage
Cercle: Roublards
Lueur: Atténuer les douleurs superficielles
Invité
Invité
LE CHAT ET LA SOURIS

Ni l'un ni l'autre ne dansent
Butch grimaça intérieurement en voyant le premier réflexe de défense de la jeune femme. La séduction, alors ? En temps normal, ça devait plutôt bien fonctionner, notamment avec ses collègues masculins qui faisaient preuve de beaucoup moins de bon sens et de retenue dès lors qu’une demoiselle était concernée. La policière songea un instant que décidément, les maillons faibles de la chaîne se trouvaient toujours au même endroit, quelles que soient les circonstances, et leva discrètement les yeux au ciel. Rien de tout ceci ne marchait plus avec elle, et ce depuis longtemps. De la part des femmes, dans un autre cadre que celui-ci, la séduction l’amusait presque, même si elle y était de moins en moins réceptive, et de la part des hommes, elle la mettait juste dans une colère noire.

Mais là, c’était différent. Il ne s’agissait pas de flirt, mais de jeu de pouvoir, d’ordre, et de subversion de celui-ci. Une danse maîtrisée, relevant presque de l’échange de politesses, que Dolly semblait maîtriser à merveille. Ce n’était pas le cas de Butch. Si elle pouvait envoyer tout le monde paître dans les grandes largeurs lorsqu’elle n’était pas en service, elle ne pouvait plus se le permettre dès lors qu’elle revêtait l’uniforme. Il fallait qu’elle planifie soigneusement un nouveau mouvement afin de ne pas perdre l’ascendant, et elle n’aimait pas la tournure que prenaient les évènements. Bon sang, qu’elle préférait ceux qui étaient agressifs : moins de nœuds au cerveau, moins de décisions compliquées, tout était plus simple quand l’injure partait directement.  Mais il fallait garder les apparences. Dos droit, sourire intact, souffle régulier. Un bon flic ne montrait jamais qu’il n’était pas à l’aise, et elle n’avait pas l’intention de faire mentir ce constat-là maintenant.

« C’est trop aimable.»

Elle était jeune. C’est pour ça que Butch était mal à l’aise, réalisa –t’elle. Même si l’âge n’était plus une donnée si pertinente que ça, sur Lux, un fond de rejet viscéral lui tordit doucement les tripes. Quel âge est-ce qu’elle pouvait bien avoir ? Non. La question n’était pas là. C’était une ravissante jeune femme, certes, et elle avait joué ses cartes d’une façon relativement juste. Ce qui l’inquiétait par-dessus tout, c’est que ça aurait probablement fonctionné avec quelqu’un d’autre. Et elle était tellement jeune. C’était une porte d’entrée formidable pour qui voulait jouer avec elle pour d’autres raisons.

Mais elle ne semblait pas fragile, constata la policière en la voyant clairement la défier par sa posture. Ca restait une Roublarde, et elle ne s’inquiétait pas pour les bonnes choses, très clairement. Elle n’était pas là pour assurer sa quelconque sécurité, mais pour l’empêcher de nuire. Pour tenter ce genre de manipulations, elle devait être capable de s’occuper d’elle-même sans soucis. Butch avait bien autre chose à penser à présent, comme par exemple gérer cette petite provocation. Elle envisagea un instant de lui refuser le passage, comme pour asseoir son pouvoir légal.

C’était même très tentant.

Mais il ne fallait pas. Ravalant sa fierté, elle se rappela de pourquoi elle était là. Elle était là pour faire respecter la loi. Pas pour faire des abus de pouvoir, ni pour pousser à la faute quelqu’un qui n’avait visiblement encore rien fait.

« Mais je vous en prie. »

Le ton était sec, et l’écart presque obséquieux. Butch n’aimait pas céder du terrain. Mais si elle commettait un impair, alors tout ce qu’elle pourrait entreprendre ce soir s’effondrerait comme un château de cartes. Il ne fallait pas être brutale. Il fallait être patiente. La Droite se contenta d’emboiter le pas de la Roublarde, et but une gorgée supplémentaire de sa bière.

« Je n’imaginais pas que ce genre d’endroit aurait vos faveurs. Peut-être suis-je un peu déconnectée des réalités, mais il existe certainement des établissements plus jeunes et plus festifs ? »

Comme les endroits de rencontre des Roublards, par exemple. Butch voulait des informations, et une conversation, certes tendue, pourrait l’aider à savoir ce que la jeune femme venait réellement faire ici. Elle ne pouvait pas venir boire un verre simplement. C’était inconcevable.


(c) AMIANTE

Anonymous
Roublardise
Dolly
Roublardise
Vos regards restent plongés l’un dans l’autre un bon moment ; la tension entre vous est palpable. Qui donc va gagner ? Tu te sais dans ton bon droit, et tu te doutes que la femme en face de toi est assez honnête pour le reconnaître. Tenterait-elle quoique que ce soit pour t’empêcher de passer, et elle te décevrait. Tu en as vu, des lignes pas si droites que ça. Des lignes qui faisaient des virages de temps en temps, que ce soit pour des pièces ou par pouvoir. Le pouvoir, ça peut bouffer n’importe qui. Ça les rend pire que des Roublards. Pire, parce qu’en plus d’être pourris, ils sont estimés et ils sont puissants. Mais pas elle, pas Butch. Tu ne peux pas en garantir, évidemment, mais elle a ce quelque chose qui te laisse penser qu’elle n’est pas du genre à se laisser monter la tête. Et rien que pour ça, tu sais que tu vas gagner ce défi. Après quelques secondes, elle fait un pas sur le côté, et tu passes devant elle.

« Merci bien. », tu réponds avec un sourire satisfait.

Tu vas t’asseoir au bar, sur le tabouret situé à côté de celui de Butch. Il n’y a pas grand monde dans le bar, autant s’asseoir à ses côtés ; cela pourrait garantir une amusante soirée. Peut-être même vas-tu trouver de l’inspiration. Ah oui, l’inspiration, c’est pour cela que tu étais venue à l’origine.

« Je prendrai la même chose qu’elle. », tu dis au barman moustachu, désignant du menton la pinte de bière de la ligne. Tu restes silencieuse, fixant la bière emplissant le verre, tout en surveillant de ta vision périphérique Butch qui s’assoit lentement, très lentement, sur son tabouret. Finalement, le barman te tend ton verre, et tu sors une petite bourse de ton soutien-gorge. Tu ne remplis jamais ton bonnet de toute façon, autant faire en sorte que cet espace vide serve à quelque chose. C’est trois pièces, qu’il marmonne. Il doit être intrigué ; la situation est singulière. Pourtant, il fait comme si de rien n’était, comme si tout est parfaitement normal, comme si ce genre de situation arrive tous les jours. En fait, à bien y penser, peut-être que ça arrive tous les jours. Il se passe tant de choses étranges à Lux.

Tu portes ton verre à tes lèvres et boit une gorgée. Tu prends ton temps. Tes lèvres ne s’ouvrent que pour boire, et tu ne dis pas un mot. Ce sera elle qui parlera en première. « … il existe certainement des établissements plus jeunes et plus festifs ? » Elle ne cache même pas son aversion pour toi. Enfin, si, bien sûr, elle tente de la cacher. Elle est polie. Elle te sourit même. Mais chaque mot dégouline de mépris, d’aversion pour ce que tu es. Pour ce qu’elle pense que tu es. Une voleuse. Une délinquante. Une menteuse. Une future prisonnière, sûrement. Elle rêve probablement de te mettre derrière les barreaux. D’un côté, tu es un peu révoltée par cela. Tu es innocente. Tu as ton commerce, et même si ce n’est pas facile tous les jours, même si dans les mois les plus compliqués tu replonges dans quelque activité à la limite de la légalité, tu es une bonne personne, une honnête personne. Tu le sais. Tu n’es plus comme à ton arrivée. Tu n’as pas besoin de l’avis d’une ligne comme elle pour le savoir. Tu n’es pas parfaite, c’est certain, mais qui l’est ? Tu fais de ton mieux pour survivre, comme tous les Roublards. Cependant, tu ne peux pas lui en vouloir ; elle est une Droite, tu es une Roublarde. Tu as volé, elle t’a attrapée, tu t’es échappée. Vous n’étiez pas parties sur le bon pied, et elle ne peut qu’avoir un préjugé sur toi. Mais tout ce que tu demandes, c’est une seconde chance. Bon, certes, tu en as eu une en arrivant sur Lux. Mais une troisième chance alors. Tu l’as saisie, celle-là.

« Des établissements plus mal famés, vous voulez dire ? Des établissements… pour les gens comme moi. », tu réponds, levant les yeux de ta bière pour la regarder elle, ton sourire devenant presque amer. Comédie ou sentiments réels ? « Mais oui. Il en existe. Et ils ont mes… faveurs. Parfois. Aussi surprenant que cela puisse paraître, même les gens de mon genre aiment le calme de temps en temps. C’est inspirant. »

Un silence, et tu continues de fixer Butch, avant de finalement baisser les yeux vers ta bière et d’en boire une gorgée.
Dolly
Messages : 199
Pièces : 428
https://luxessemus.forumactif.com/t65-fluctuat-net-mergitur-dollyhttps://luxessemus.forumactif.com/t52-deus-ex-machina-dolly

Feuille de personnage
Cercle: Roublards
Lueur: Atténuer les douleurs superficielles
Invité
Invité
LE CHAT ET LA SOURIS

Ni l'un ni l'autre ne dansent
Dolly sortit son porte-monnaie, et Butch se prit d’un soudain intérêt pour les fissures dans le bois du plafond. Elle avait momentanément oublié que tout le monde ne se servait pas, comme elle, de ses poches, et que d’autres femmes portaient des soutiens-gorge. La Roublarde paya, les trois pièces. Ding ding ding. Le barman les regardait étrangement, et Butch le savait, même en esquivant volontairement sa moue désapprobatrice. Il n’appréciait pas particulièrement que les roublards se pointent pour taper dans la caisse, mais il n’était pas particulièrement fan non plus des flics qui faisaient leur boulot dans son établissement, semblait-il.

Surtout lorsqu’ils n’étaient pas en service.

Butch sirota tranquillement sa bière, regardant Dolly exister dans le calme. Il fallait bien lui reconnaître que pour le moment, elle était calme, et disciplinée. Même un peu trop pour une Roublarde à qui on foutrait la pression. Elle a l’air en confiance, alors que rien dans la balance des pouvoirs ne suggérerait un quelconque avantage de son coté.

Et pourtant Dolly avait tiré, et avait tiré juste. Les gens comme elle. Elle venait de verbaliser dans le plus grand des calmes l’intégralité de la situation, et elle regardait Butch, à présent, après l’avoir foutue au pied du mur. La Droite resta silencieuse, et noya son malaise naissant dans la bière, qu’elle but un peu vite. Et merde.

Elle n’avait pas cherché à être discrète, mais elle n’avait pas cherché à se questionner sur ce qu’elle faisait non plus, et Dolly venait de lui mettre le nez dans son propre caca en deux phrases. Quelle espèce de petite…

Non. Calme. Réflexion. Pas d’emportement. Pas d’ego. Surtout pas d’ego, bon dieu de merde.

Il fallait être un peu lucide l’espace de quelques secondes. Elle n’avait rien fait de mal. Et à partir du moment ou elle n’avait rien fait de mal, Butch n’avait aucune espèce de raison de lui tomber sur le rable. Karin l’aurait pourrie pour le quart de la moitié de tout ça. Et Butch ne savait pas, à l’heure actuelle, si elle aurait eu raison ou non.

« De l’inspiration ? Vous êtes artiste ? »

Good cop. C’était une posture acceptable, songea-t-elle en recommandant à boire d’un geste de main. Elle buvait trop vite, aussi. Ça allait finir par poser un problème. En attendant, elle lui faisait la conversation, et elle ne pouvait pas décemment la laisser causer toute seule : elle avait déjà repéré son hostilité, et il n’était pas nécessaire d’en rajouter. Mais dans le même temps, elle savait bien qu’elle serait incapable de tenir une discussion inspirée très longtemps.  Ce qu’elle envisageait comme un moment de simple surveillance était en train de tourner gravement au vinaigre.

« Si vous avez envie d’expliquer, ça ne me dérange pas que vous utilisiez des mots simples. Je ne suis pas très versée dans le domaine des arts. »

Admettre un tort pour ne pas avoir à adresser l’autre. Ce n’était pas glorieux. Toujours le nez dans sa bière qui se vidait à vue de pif, Butch demanda un verre d’eau pour accompagner la suivante. Quitte à se rendre ridicule, autant s’épargner un mal de crâne formidable le lendemain matin.

Elle avait raison de faire ce qu’elle faisait.

Non, elle était ridicule.

Merde, elle n’en savait rien. Elle aurait préféré que Dolly fasse sa connerie pour ne pas avoir à y réfléchir et pour avoir raison.

Mais qu’est-ce qui était le plus important, finalement ?

(c) AMIANTE

Anonymous
Roublardise
Dolly
Roublardise
Tu bois dans ton verre d’un air distrait. Un air seulement, car ton attention est entièrement concentrée sur la femme à ta gauche. Tu sembles détachée, Dolly, mais ce n’est qu’une apparence. Es-tu jamais entièrement détachée, es-tu jamais entièrement à l’aise, confortable ? Pas depuis longtemps. Pas depuis ce jour-là. Tu n’es jamais en sécurité, et si ces poids lourds dans ta poche gauche (un spray au poivre) et dans ta poche droite (un poing américain) te rassurent, tu te sais toujours vulnérable. Tu es mince, sinon maigre Dolly, et n’importe quelle personne mal intentionnée avec un peu de force pourrait faire de toi ce qu’elle voudrait. Heureusement que tu es amie avec la plupart des personnes mal intentionnées. Heureusement que tu es une Roublarde, peu importe la réputation que ça te donne, peu importe les regards méprisants que l’on t’accorde. Peu importe le jugement de Butch devant toi. Tu n’as plus à craindre les gens à craindre.

Vous êtes artiste ? Elle a saisi la perche que tu lui tendais ; peut-être qu’elle t’humaniserait un peu plus, si elle connaissait ton métier, tes passions. Peut-être qu’elle arrêterait de te considérer de cet œil méfiant. Tu glousses à sa phrase.

« Oh, c’est très simple, vraiment. Il n’y a rien de compliqué à ce que je fais. »

Tu reprends une gorgée de bière avant d’expliquer.

« Je fais des vêtements et je maquille les gens. Je ne sais pas si je peux me qualifier d’artiste, vraiment. Aspirante artiste, en tout cas. Certains rigoleraient si j’osais qualifier ce que je fais d’art. » Ta voix se ferait-elle amère Dolly ?

Oui, les Créatifs, aussi surprenant que ça puisse être, peuvent être étonnamment conservateurs parfois. Ils ne sont pas fermés dans les arts, et pour eux la mode et le maquillage sont effectivement de l’art. Mais d’une Roublarde ? D’une fille qui se fait payer une misère pour ses « créations » ? Le cercle des Créatifs est étrange. Autant il regorge des artistes et des esprits les plus géniaux, autant il regorge également des plus conservateurs et de la gente la plus méprisante. L’Artiste Maudit avait proposé de t’accueillir. Il t’avait proposé de faire partie des siens. Il appréciait ton art, et même quand tu as refusé, il avait dit que la place serait toujours ouverte, tant que tu conservais ton esprit et ta créativité. Mais la peur avait eu raison de toi, et elle te domine toujours. Parfois, tu rêves encore de cette nuit-là.

Perdue dans tes pensées, troublée, tu ne prêtes pas assez attention à ce qui se passe à ta droite. Un homme arrive au bar, pour demander qu’on lui remplisse son verre. Par inadvertance, sa main effleure ton bras. Ce n’est rien, mais tes poils se hérissent, et tu sautes sur place, toutes griffes sorties.

« Ne me touche pas ! », tu siffles.

L’homme ne comprend pas ce qui se passe. Hé, elle est folle celle-là, dit-il en s’éloignant pour rejoindre son ami, au fond de la salle. Ton cœur bat à tout allure, et ton esprit est embrouillé. Le peu de monde dans le bar te regarde étrangement. Une voix s’infiltre dans ta tête, la voix de la raison. Il ne te voulait pas de mal. Tu as causé une scène pour rien. Tout va bien. Tout va bien. Il ne t’a pas fait de mal. Confuse, tu te rassois sur ton tabouret, murmurant un « Pardon… » qu’il ne pouvait définitivement pas entendre. Un pardon inutile. Tu bats des cils, histoire de reprendre conscience de ce qui se passe autour de toi. Tu tournes la tête vers Butch, et t’aperçois que tu avais renversé ta bière sur elle. Toute la contenance que tu t’étais créée avait disparu.

« Oh non, je suis désolée ! Laissez-moi vous aider. », tu dis en récupérant un torchon et en épongeant la bière tombée sur l’uniforme de Butch, la main encore tremblante. Tu n’arrives pas à arrêter ces tremblements. Ton esprit est encore confus.

Ce n’est plus la Dolly d’il y a quelques instants. Qui es-tu ?
Dolly
Messages : 199
Pièces : 428
https://luxessemus.forumactif.com/t65-fluctuat-net-mergitur-dollyhttps://luxessemus.forumactif.com/t52-deus-ex-machina-dolly

Feuille de personnage
Cercle: Roublards
Lueur: Atténuer les douleurs superficielles
Invité
Invité
LE CHAT ET LA SOURIS

Ni l'un ni l'autre ne dansent
Des vêtements et du maquillage. Butch s'abstint de tout commentaire, pour deux raisons: la première étant qu'elle se sentait assez peu concernée par l'ensemble de la discipline (elle avait bien dû se maquiller étant adolescente pour essayer, mais non seulement elle s'était trouvée absolument ridicule avec ses cheveux longs et son fard, et elle avait en plus fait une allergie au gloss fraise-banane que Karin lui avait soigneusement étalé sur les lèvres, la transformant momentanément en clown triste), et la seconde était que la seule réflexion qui lui était passée en tête était "ah, c'est pour ça".

Elle avait donc choisi de se taire et de hocher poliment la tête. Ce n'était pas le moment de commenter le look de Dolly, aux antipodes du sien, et elle même était en capacité de comprendre que tout le monde n'avait pas forcément envie de ressembler à un jeune trader au mieux, à un vieil expert comptable au pire. Décidément, plus le temps passait, plus elle se sentait déconnectée des considérations esthétiques des jeunes générations. Elle n'osait à peine imaginer comment devait se sentir Wen en voyant les dégaines des nouveaux arrivants.

Dans ses réflexions et dans le léger silence qu'il s'était installé, Butch avait un peu laissé retomber sa garde, et le cri de Dolly la fit sursauter, avant qu'elle ne reçoive sa chope de bière directement sur sa chemise. Comme sortie d'un rêve, elle attrapa des informations au vol pour tenter de démêler ce qui venait de se produire. Danger ou pas danger? L'adrénaline montante lui indiquait que oui, mais la situation lui indiquait que pas tant que ça. Calmant immédiatement sa lueur, Butch se reconcentra sur Dolly qui était en train de s'excuser en tentant d'essuyer sa chemise.

"Non, non, tout va bien. C'est une chemise, ça va sécher."

Bon sang, elle était vraiment paniquée. Qu'était-il arrivé à l'audacieuse Dolly qu'elle avait croisé quelques minutes auparavant? Qu'est ce qu'on avait bien pu lui faire pendant les deux secondes pendant lesquelles Butch avait décroché?

Elle observa les deux hommes qui étaient partis du bar, qui regardaient Dolly d'un sale oeil. Est-ce que c'était bien ce qu'elle pensait?

Si c'était bien le cas, justice allait être rendue et presto. Dolly avait beau être une roublarde, si un de ces types avait osé être inapproprié, Butch se ferait un plaisir d'aller s'en charger.

Ou alors, elle avait fini par craquer suite a son comportement de flic.

Ouch.

Elle n'avait absolument pas envie de penser à ça, mais l'idée ne put s'empêcher de traverser son esprit. Quelle était la bonne marche à suivre, à présent?

Questionner, comprendre, agir. Ça fonctionnait toujours.

Mais avant ça, il fallait résorber tout ce souk.

Butch desserra sa cravate et retira sa chemise, révélant un maillot de corps absolument lambda, et fouilla dans sa poche pour en sortir son étui à cigarettes.

"Tenez, servez-vous. Allons prendre l'air pour se remettre de toutes ces émotions."

Elle ne savait pas si Dolly fumait, mais elle en prit une pour elle et se saisit du verre que le barman avait resservi, par réflexe, et se dirigea vers la porte du fond qui donnait sur un petit coin de terrasse pas déplaisant.

"Qu'est-ce qui s'est passé, à l'intérieur?"

Le ton était doux, mais la vraie question cachée derrière était : Est-ce qu'il vous a fait du mal, Dolly? Est-ce qu'il faut que j'aille lui faire regretter d'avoir un jour voulu quitter la Terre? Ou est-ce que c'est moi qui y ait été trop fort?
(c) AMIANTE

Anonymous
Roublardise
Dolly
Roublardise
Tu es encore tremblante, et ton esprit est confus. Une partie de toi te maudit de ne pas pouvoir te ressaisir, de ne pas être une femme forte. Dans la vie de tous les jours tu tentes de te convaincre que tu l’es, forte. Tu tentes de te convaincre que tu n’as peur de rien, et que plus rien ne peut t’atteindre désormais. Mais c’est faux, et ce qui vient de se dérouler te l’a prouvé. Tu es traumatisée Dolly, et toujours aussi fragile. Cet équilibre que tu as construit autour de toi, celui qui te permet de tenir, peut être détruit à n’importe quel moment. Car tu n’es pas passée à autre chose ; tu as simplement enfoui l’événement au plus profond de toi. Alors, pour éviter de te souvenir de tout ça, tu te concentres sur la chemise de Butch. Ses mots te glissent dessus, comme si ta peau est imperméable. Mais elle t’arrête, et retire sa chemise, révélant un maillot en-dessous. Ton cerveau est un peu confus, maintenant qu’il ne peut plus se concentrer sur cette simple tâche.

Toutes tes défenses sont tombées, et tu tentes de les reconstruire, mais c’est difficile. Tu entends les mots de Butch sans pour autant les assimiler complètement. Tu en saisis vaguement le sens, et prends une cigarette dans son étui. Tu ne fumes plus vraiment Dolly. Tu as beaucoup fumé, à une époque, sur Terre. Mais après ton addiction à l’alcool et à toutes sortes de drogues, tu as tenté de mettre une distance avec tout ce qui pouvait te rendre addict. Mais cette fois, juste cette fois, tu veux bien une cigarette. Tu as besoin de faire quelque chose de tes mains, et à peine as-tu pris la cigarette que tu es en train de jouer avec, la faisant passer d’une main à l’autre, la faisant tourner entre tes doigts. Ça te permet de te distraire, de concentrer ton attention sur autre chose. Tu suis Butch. En tant que Roublarde, suivre une Droite n’est pas forcément un bon signe. Mais tu as besoin d’air. Tu as besoin de respirer. La panique que tu avais ressenti quand cet homme t’avait touchée avait empli tous tes sens et t’avait coupé le souffle. Elle avait envahi l’air, l’imprégnant d’une ambiance lourde, rendant difficile la respiration. Alors tu suis Butch. Sur la terrasse, tu t’appuies contre un mur, le regard dans le vide, tes doigts jouant toujours avec la cigarette.

Tout va bien, tout va bien, tout va bien, tu te répètes. Il ne s’est rien passé. Ce n’est pas lui. Une fois que ton cerveau s’est calmé, au moins un peu, tu tentes de retrouver un comportement normal. Tu retrouves cette méfiance naturelle des Roublards envers les Droits, cette méfiance qui te chuchote de ne rien leur dire. Tu redeviens presque comme avant, si ce n’est pour tes doigts qui tremblent et ta gorge encore un peu serrée. Butch allume sa cigarette, et tu tends la tienne du bout de tes doigts fins. Elle l’allume et tu la portes à tes lèvres. Tu inspires longtemps, pour te donner le temps de réfléchir et pour retrouver un certain calme. Après un moment, tu expires et réponds finalement.

« Rien. Il ne s’est rien passé. »

Ton regard est perdu dans le vide. Comment as-tu pu perdre ton sang-froid ainsi, Dolly ? Et devant une Droite ? Ton cerveau commence à fonctionner normalement ; tu commences à comprendre ce qui s’est passé.

« Je n’aime pas être touchée. C’est tout. Mais il n’a pas fait exprès. C’est ma faute. »

Oui Dolly, c’est ta faute d’avoir perdu ton sang-froid ainsi, c’est ta faute de ne pas pouvoir te contrôler, toi qui as un besoin constant de toujours tout contrôler. Tu n’aimes pas ne pas être hors de contrôle.
Dolly
Messages : 199
Pièces : 428
https://luxessemus.forumactif.com/t65-fluctuat-net-mergitur-dollyhttps://luxessemus.forumactif.com/t52-deus-ex-machina-dolly

Feuille de personnage
Cercle: Roublards
Lueur: Atténuer les douleurs superficielles
Invité
Invité
LE CHAT ET LA SOURIS

Ni l'un ni l'autre ne dansent
Butch exhala longuement une grande bouffée de cigarette, et regarda la fumée s’envoler mollement dans l’air du soir. Il faisait un peu frais, mais pas tant que ça. Dolly, à côté d’elle, fumait elle aussi, après avoir longuement fait tournoyer l’objet entre ses doigts. Elle allait parler, et la policière ne souhaitait pas l’interrompre. C’était probablement le moment ou les vases se vidaient : l’horaire et le lieu s’y prêtaient bien.

Mais rien ne vint. Dolly s’était repliée dans sa carapace comme elle en était sortie quelques minutes auparavant, et Butch avait de nouveau affaire à un coffre fort. Il ne s’était rien passé. Tout allait bien. Et personne ne dirait plus rien. Un instant, elle envisagea d’ironiser, et de faire remarquer que pour du « rien », c’était un « rien » fort sonore et démonstratif. Mais elle se tut. Si elle ne voulait pas en parler, alors il n’était pas nécessaire de la forcer : c’était entre elle et elle seule, à présent, et Butch ne pouvait que regarder la scène de l’extérieur. Est-ce qu’elle avait réellement envie de s’informer, de toutes manières ? Ou est-ce qu’elle souhaitait juste se laver la conscience en s’assurant que ce n’était pas elle qui avait déclenché un tel ramdam,

Je n’aime pas être touchée.

Voila qui constituait déjà un élément de réponse. Une femme qui n’aimait pas qu’on la touche ? Comme c’était surprenant, se surprit à ironiser mentalement Butch une seconde fois. Mais elle avait du mal à envisager que quelqu’un puisse avoir naturellement envie d’un contact physique avec des mains inconnues. Surtout masculines, maintenant qu’elle y réfléchissait bien.

« Je ne pense pas que ce soit la faute de qui que ce soit ici. »

Le constat était clair. Ce ne serait pas la première, ni la dernière à réagir de la sorte. Mais Butch avait mal au cœur. Comme à chaque fois qu’elle devinait derrière un silence ou un refus de contact une histoire bien plus tragique.

C’était pour ça qu’elle s’était tournée dès qu’elle en avait eu l’occasion, vers les brigades financières, sur Terre. Un mélange de fascination pour Eliott Ness et un rejet profond des peines humaines : ce n’était pas qu’elle ne les comprenait pas, mais elle ne souhaitait pas les voir. Question d’équilibre. Ces choses là s’infiltraient comme de l’eau sale dans chacune des petites failles personnelles des individus, et ils en ressortaient abimés. Il n’y avait qu’a voir les comportements changeants de ceux qui étaient affectés aux mœurs et aux mineurs. Elle avait voulu fuir ça de toutes ses forces, et elle avait réussi, jusqu’à Lux.

Son emploi avait drastiquement changé en arrivant là, et elle voyait ce qu’elle n’avait pas voulu voir jusque là. La misère, la douleur. Et ça. Ce ça qui laissait des traces sur des générations de femmes les unes après les autres sans que rien ne puisse être fait en amont.

Elle détestait ça. Voir en filigrane derrière les sourires et les silences. Laisser la violence s’infiltrer dans ses failles à elle, pour mieux exploser, plus tard, pendant les longues nuits ou elle ne trouvait plus le sommeil. Qui avait été épargné ? Quelles étaient les rares chanceuses qui avaient pu exister sans tomber dans le creux du chemin, creusé là par les femmes précédentes poussées contre leur gré ? Existaient-elles seulement ?

Le silence s’étendait, en guise de réponse. Et, d’une de ces innombrables craquelures, surgit une idée étrange.

« Ca me rappelle une histoire. »

Elle n’attendit pas l’opinion de Dolly pour la raconter.

« J’étais jeune. J’imagine que ça doit être difficile à imaginer. Mais j’avais quoi, peut-être douze ans, à l’époque ? C’était il y a longtemps. Il y avait Cyndi Lauper, à la radio, si ça vous parle. Les filles qui veulent juste s’amuser, quelque chose dans le genre. »

Butch laissa échapper un nouveau filet de fumée.

« J’allais dans une école catholique. Avec les jupes à carreaux, tout le barda. Vous voyez le topo. Mais c’était une école mixte, alors on supportait à l’époque les jeux cons des garçons. On les trouvait vraiment cons, à l’époque, et j’ai du mal à penser qu’on avait tort, même maintenant. Enfin. »

C’était plus flou qu’elle ne l’imaginait. Le temps avait bien fait son office.

« Ils en avait un, de jeu, qui était plus con que les autres encore. Ils le gardaient pour certaines. J’ai jamais bien su comment ils les choisissaient. »

Probablement dès qu’elles sortaient un peu du lot.

« Ils leur envoyaient une jolie carte, les roses sont rouges, les violettes sont bleues, ce genre de conneries. Avec un rendez-vous pour trouver l’admirateur secret. Et puis… »

Sa voix mourut et elle goûta au silence, le nez planté vers les étoiles. Son regard ne croisait plus celui de Dolly. Elle parlait pour elle-même.

« Enfin. Quand quelqu’un a fini par s’en plaindre, on lui a expliqué que c’était juste un jeu, sans conséquences. Et elle s’est fait virer, quelques semaines plus tard. C’était pas très surprenant, avec du recul, mais ça avait fait remuer dans les brancards, à l’époque. Toutes les conneries que tout le monde a pu en dire… »

Elle écrasa sa cigarette et en ralluma une, par réflexe.

« Je persiste à penser que c’était grave, et qu’on aurait dû mieux gérer la situation. Et que tous ces dysfonctionnements finissent par attaquer tout le monde. Faudrait régler le problème à la source. Enfin. Je me souviens plus de pourquoi je vous racontais ça. »

Pieux mensonge. Elle s’en souvenait très bien. Elle avait commencé à faire du sport, beaucoup. Pour que personne n’ose plus jamais avoir de contact physique avec elle sans qu’elle ne puisse lui casser la main.

Et elle n’avait jamais regretté la perte de sa jolie jupe d’uniforme à carreaux, témoins d’une excellence de façade qui n’avait finalement de valeur que pour ceux qui ne l’avaient jamais portée.

(c) AMIANTE

Anonymous
Roublardise
Dolly
Roublardise
Tu ne veux pas écouter son histoire. Tu n’en as pas envie. Tu n’as envie de connaître ni sa vie, ni la vie d’autres pauvres filles qui sont comme toi d’ailleurs. Pourtant, tu te tais, et tu écoutes. Non pas parce que tu es curieuse au fond de toi, mais parce que ça te donne le temps de te ressaisir. Ça te donne le temps de calmer tes tremblements et ton esprit. Ça te donne le temps de te souvenir que tu es avec une Ligne, qui te méprise malgré cette jolie petite histoire pleine d’attention qu’elle te raconte.

Tu n’as pas besoin de savoir que d’autres personnes ont subi la même chose que toi, ou même pire. Tu n’as pas besoin qu’on fasse semblant de comprendre ce que tu as vécu, ce que tu vis en ce moment même. Tu n’as rien vécu. Tu vas bien. Tout va bien. Tu es la même qu’avant, tu n’as pas changé. Tu es forte. Tu n’es pas une victime. Tu ne sais pas si Butch pense que tu vas t’identifier à ce qu’elle te raconte, mais ce n’est pas le cas. Tu ne t’identifies à rien du tout. Tout ce que tu entends là, c’est un conte. Un conte qui est arrivé à quelqu’un d’autre, dans une autre vie, dans une autre époque. Et tu t’en fiches.

Tu es égoïste Dolly, mais ça te permet de soutenir la douleur. Tu ne te concentres que sur toi-même pour guérir plus vite. C’est trop douloureux de savoir que des millions d’autres femmes ont vécu, vivent et vivront la même chose que toi. C’est trop douloureux de savoir que ça ne s’arrêtera jamais. Les seules personnes qui pouvaient t’aider, tes parents, avaient disparu. Ou plutôt, tu avais disparu. Mais tout va bien maintenant. Tu vas bien.

Alors tu relèves la tête, toi qui durant tout son récit regardait tes mains qui se tournaient les pouces, ta cigarette à moitié consumée écrasée depuis longtemps. Tu la regardes dans les yeux, les sourcils levés, un air de défi dans le regard.

« Ouais, moi non plus. », tu réponds. Tu ne sais pas pourquoi elle t'a raconté son histoire. Ou plutôt, tu ne sais que trop bien. Elle veut créer un pont entre vous. Elle veut te dire qu'elle comprend, que vous êtes pareilles. Mais vous n'êtes pas pareilles. Et tu te fiches de son histoire, que ça lui soit arrivé à elle ou à une de ses camarades de classe.

Vous restez un instant à vous fixer, alors que tu reconstruis la tension qui avait disparu après l’incident au bar. Tu souris en coin, te redresse et souffle du nez.

« Alors quoi, vous m’avez raconté votre petite histoire et maintenant on est potes ? On va régler le problème à la source ensemble ?  C’est votre boulot, pas le mien. »

Sans lui adresser un regard, tu sors de la cour et traverse le bar d’un pas rapide. La soirée ne s’est pas déroulée comme prévu. Maintenant tu veux rentrer chez toi, dans un endroit dans lequel tu te sens à l’aise et en sécurité. Tu veux être seule. C’est quand tu es seule que tu te sens le mieux, finalement. Tu aurais dû le savoir.
Dolly
Messages : 199
Pièces : 428
https://luxessemus.forumactif.com/t65-fluctuat-net-mergitur-dollyhttps://luxessemus.forumactif.com/t52-deus-ex-machina-dolly

Feuille de personnage
Cercle: Roublards
Lueur: Atténuer les douleurs superficielles
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum