Travailler à la bibliothèque universitaire était autant une distraction qu’une source d’inspiration. Il y avait de nombreux ouvrages à sa disposition si il en avait besoin, et il en avait souvent besoin, à tel point que sa table de travail se retrouvait habituellement couverte d’une pile de livre de tout part. Cela n’encourageait pas les autres savants à venir s’asseoir à sa table ce qui n’allait pas forcément en la faveur d’Arwel mais il avait besoin de son espace et ses ressources pour travailler. Si il n’y avait aucun livre sur sa table c’était au contraire quelque chose d’anormale, à moins que sa source d’inspiration était un individu, et cela arrivait tout aussi souvent. Pour travailler, Arwel avait besoin de livres et d’une source d’inspiration. Ses collègues savants voudraient sûrement sa peau si ils savaient qu’il se servait d’eux comme aspiration, mais ils ne le savaient pas alors tout allait bien.
Cependant ses collègues pouvaient être une grande source de distraction, Arwel devait se contrôler pour ne pas rêvasser et continué de travailler en leur présence, ce n’était pas une mince affaire et il lui arrivait de passer des heures à fixer le vide au lieu d’avancer sur ce qu’il écrivait. Toutefois ceci était propre à tous les écrivains alors il n’y avait rien d’anormal à faire cela.

Aujourd’hui son collègue Eiichirô était assis dans son champ de vision. Pas à sa table car il n’y avait plus de place pour que qui que ce soit travaille, mais il était assez proche pour le voir sans aucun soucis. Et bien entendu l’homme le distrayait de son travaille. Arwel savait que l’homme n’était pas intéressé par les hommes, il ne le cachait pas et faisait bien souvent des remarques plus ou moins subtiles à ce propos. L’écrivain ne savait pas ce qu’il pensait vraiment des homosexuels et dans le doute il préférait garder son secret bien à l’abri des oreilles de son collègue, on ne savait jamais. Enfin il n’avait rien à craindre, personne n’était au courant. Pour le moment. Qui sait ce qu’il se passerait si son collègue lui-même découvrait la vérité ? Il préférait ne pas y penser. Malgré cela il s’entendait très bien avec le savant et il pourrait être un potentiel ami si Arwel se décidait à faire confiance à quelqu’un un jour.

Quand il eut fini son travail Arwel rangea les livres qu’il avait utilisé. Il y avait bien quelqu’un qui s’en chargeait normalement mais vu les piles de livres que l’écrivain laissait derrière lui on avait fini par lui dire qu’il devait ranger lui-même. Ce qui n’était pas un problème en soit, c’était normal de ranger derrière soit après tout. Eiichirô semblait avoir fini lui aussi ce qu’il faisait car il vint discuter avec le gallois, il voulait juste faire la conversation et Arwel espérait qu’il ne s’était pas trop humilié. Le savant lui proposa de continuer leur discussion autour d’un verre si il était disponible et bien sûr qu’il l’était ! Même si il ne l’était pas il aurait fait de la place pour passer un moment avec son collègue, il savait qu’il n’avait pas la moindre chance avec lui mais cela ne l’empêchait pas de l’apprécier en tant qu’individu.

Et c’est donc ainsi que les deux savants se retrouvèrent sur la terrasse d’un café, chacun une boisson en main, à continuer leur conversation.

Codage par Libella sur Graphiorum

Arwel était tout excité lorsqu’il parlait de mythologie. Il pouvait en parler pendant des heures et partir dans des hypothèses qui n’en finissaient plus, c’était son monde à lui. Eiichirô avait eu le malheur de lui poser des questions dessus et si le japonais ne se décidait pas à changer de sujet ils pouvaient bien rester ici jusqu’à la fermeture à parler de mythologie grecque. L’écrivain évitait tout de même de parler de certains sujets, notamment de l’homosexualité, enfin si il en parlait mais il faisait en sorte de rester neutre sur le sujet pour ne pas éveiller de soupçons. Ne connaissant guère la position exacte du japonais sur le sujet il préférait rester sur ses gardes, une erreur pouvait tout foutre en l’air. Comme de laisser son meilleur ami seul dans sa chambre…
Cependant rien n’était jamais simple avec Arwel, il lui arrivait de trébucher sur ses mots, de manquer d’en révéler un peu trop, de ne pas savoir contenir son excitation à propos de certains thèmes. Le pire fut sans doute quand il en arriva à parler de ses livres. Il avait l’habitude des interviews, il avait l’habitude de parler avec des fans qui lui posaient des questions sur ses livres mais là il savait que ses lecteurs aimaient ses livres, il y avait moins de risques. Avec Eiichirô il pouvait se méprendre, mal interpréter, ou trop bien interpréter au contraire. Certains avaient sans doute fait le lien entre ce qu’il écrivait et son homosexualité même si personne ne lui disait, il réfutait cela mais ses lecteurs n’étaient pas idiots, ils se taisaient sur le sujet.

Comment convaincre les gens que l’on était pas gay quand on écrivait des histoires d’amour avec des personnages homosexuels ? Il n’y avait pas que des histoires d’amour, certes, mais l’homosexualité revenait tout le temps. C’était un peu le sujet, ce n’était pas étrange dans la mythologie grecque, toutefois lui se consacrait uniquement sur cela. Les personnages phares étaient homosexuelles, il écrivait peu de personnages hétérosexuelles et ceux qui étaient présents n’étaient pas les plus développés ni les personnages principaux. Faire le lien avec sa personne n’était donc pas compliqué. Il se demandait même comment faisait-il pour continuer de faire croire qu’il était hétéro, ses excuses ne tiendront pas indéfiniment mais il ne pouvait s’empêcher de continuer à écrire sur ce ton-là, c’était ce qu’il désirait écrire après tout. Si ses livres se vendaient aussi bien c’était que le public appréciait, peut-être que les mœurs avaient réellement changé et que le monde ne se retournerait pas contre lui en sachant sa sexualité…. Toutefois il ne comptait pas révéler cela si il pouvait l’éviter.

«  Excusez-moi, je parle et je parle de quelque chose qui ne vous intéresse peut-être pas tant que cela. Sur quoi travaillez-vous ? Si cela ne vous dérange pas de le partager, bien entendu.  »

Autant arrêter le massacre ici avant qu’il n’assomme son collègue et puis Arwel était curieux de ce que faisait l’autre homme, il avait une vague idée mais rien de bien précis. Toutefois ce n’est pas dit que l’écrivain allait comprendre les mots du professeur.

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