Le soleil perçait a travers les rideaux blancs et propres de la chambre. Il y avait deux lits, séparés d’une cloison, chacun avec leur espace. Le ciel a l’extérieur était partiellement couvert et a l'extérieur - les rideaux n’étant pas totalement opaques - on devinant un parc, la silhouette de grands arbres et le gazouillis des oiseaux.

Lui ne dormait pas, parce qu’il avait assez dormi et parce qu’il faisait jour. Il reposait dans ses couvertures, enroulé, de sorte a ne pas réellement être vu. Une catastrophe. C’était une vraie catastrophe. Madame malchance, cette stryge inique qui aimait se moquer de son existence semblait il, avait encore sévi. Oh il avait vécu pire, il avait vécu bien pire. Mais il existait un point de rupture.

Il se ferait oublier un moment, c’était sans doute la disgrâce de trop. Ses blessures ne le faisaient presque pas souffrir en comparaison. Les infirmières ayant eu vent de l’affaire le tenaient pour un abruti irresponsable. Du coup il préférait faire semblant de dormir que croiser le regard de quiconque.

Tout l’argent, il avait fini par le refuser. Il avait vu l’air avec lequel Selim l’avait regardé. Toute la considération s’était envolée, ne restait plus que ce mépris, comme si son halo noir avait ressurgi face aux yeux de tous. Pourquoi l’avait on emmené ici si c’était pour essuyer autant de difficultés ? Il avait eu envie de se blottir contre sa mère, comme il le faisait si longtemps avant, ou contre sa soeur, ou contre une femme qui l’aurait apaisé d’une voix douce et qui aurait passé une main dans ses cheveux bouclés en disant : “Tu es fort Emir, tu es plus fort que ça, un jour les autres n’auront pas de choix que le reconnaître.” Et il les aurait crues.

Mais la il était seul. Il avait désespérément prié Allah de lui envoyer quelqu’un de bienveillant, qu’il se sente moins seul et moins misérable. Il n’était pas un bon croyant mais cela avait toujours fait partie de sa vie. Il savait que son père lui aurait conseillé de se montrer plus vertueux si il voulait de l’aide. Ca n’était pas une vérité absolue ni quelque chose qui avait toujours marché mais cela donnait un but sur lequel travailler. Et l’espoir de guérir un peu sa malchance chronique.

On vint annoncer qu’il avait de la visite. C’était inattendu. Alors il se redressa, essaya de montrer une meilleure mine, même si il était pâle et avait des bandages le long des bras et a divers endroits. Le regard un peu vague il guetta qui pouvait bien avoir eu envie de le voir lui, alors qu’il était devenu la honte de son cercle. Il hésitait avec le fait de pretndre encore le sommeil, tout le temps qu’il ne faisait qu’entendre les pas de l’invité. Ce serait une manière facile d’éviter les regards probablement accusateurs. Les regards qui passeraient au travers des bandages pour voir sa chair brulée et au travers sa peau pour voir son estime de lui même reduite a presque rien.
A peine en restait il des cendres.

Il ne s’attendait pas a voir débarquer un Lynx chamboulé qui l’etreignit avant toute question. Il tapota gentiment le dos de celui ci sans réellement faire attention a si il avait des douleurs physiques dues a l’action. La chaleur humaine lui faisait trop plaisir. Lynx, avec son physique d’elfe qui ajoutait une touche d'étrangeté a la situation, semblait réellement s’en faire pour lui. Mais cela n’étonnait pas réellement l’accordéoniste, le coréen était une bonne nature. Il le tenait lui même en grande estime et on pouvait qualifier leur relation de proche, au dela d’une amitié sans enrichissement. Mutuellement ils s’apportaient.

« Tu devrais peut être t'asseoir, il y’a une chaise la je te raconterais tout »

Il avait eu un vague sourire pour le blond mais il ne pouvait pas forcer cette expression davantage. Emir finit par baisser la tête quelque peu, ses traits abandonnant légèrement cette joie de se retrouver, quoique le fait de se trouver avec Lynx le touchait toujours. Il n’avait simplement pas la force de l’exprimer. Ces derniers temps difficiles inhibaient son entrain.

Une fois l'étreinte amicale desserrée et le violoniste installé, Emir s’installa tout simplement en tailleur sur le lit qu’il occupait. Il y avait en lui de cette humeur grave, beaucoup plus adulte et mature que la façon dont il menait habituellement son existence. Parfois, malgrés ses traits jeunes, il paraissait son véritable âge.

« Tu as peut etre entendu parler du fiasco de la pièce pour Selim et l’orphelinat ? Enfin tu vois, même avec les meilleures intentions du monde, quand la chance ne souffle pas du bon coté,c’est peine perdue »

Il eut un rire sans joie.

« Enfin, j’ai l’habitude de ça »

Emir chassa l’air d’un geste de la main, voulant faire croire que ce n’était pas si grave. Mais on aurait dit qu’il cherchait a se persuader lui même. Il lança un regard vers la fenêtre puis retourna a Lynx.

« J’aurais pu arriver dans un pire endroit qu’ici. C’est tres confortable, et j’ai une belle vue. Enfin, comment tu vas toi ? »

Lynx avait saisit son violon et en tirait des notes énergiques accompagnée par sa voix qui sonnait autrement de ce dont Enir avait eu l’habitude dans sa vie terrestre. Il savait qu’il n’aurait logiquement pas du comprendre les paroles de ce chant mais Lux faisait qu’il lui était impossible de faire autrement que de savoir toujours ce que tout le monde avait a dire. Plus de richesse de langues, simplement sonnait a ses oreilles un étrange bosniaque parlé par tous. Donc il profitait de la prestation et si son coeur n’y était pas tout a fait, il appréciait les efforts.

Le blondinet avait fait exprès de choisir des mots correspondant a sa situation et semblait exprimer ca avec l’aide d’un violon énergique et joyeux. Emir se laissa apprécier la prestation et applaudit poliment a la fin. Il aurait peut être été plus a l’aise avec quelque chose de plus traditionnel mais les efforts le touchaient très sincèrement.

” Il en faut du talent pour arriver a chanter, jouer et danser. Tu es une perle pour les Creatifs, Lynx.”

Il disait ça sans aucune arrière pensée. Bien entendu ça ne réglait pas sa situation mais son confrère musicien avait percé d’un rayon de soleil la couche de nuages tapissant son esprit. Le bosnien faisait son possible pour laisser voir que l’intervention lui était appréciable.

” Tout le monde est un peu mélancolique, souvent à cause des circonstances qui nous ont amené ici. Mais toi tu as l’air tellement vivant, je pense que c’est ça la véritable force après tout. C’est inspirant.”

C’est vrai que rien ne semblait atteindre Lynx. Il était pur, sans taches. Et il était présent. Nul doute qu’Emir lui revaudrai ça.

”En tout si tu as des nouvelles de la ville, du cercle donne les moi je crois que j’ai besoin de savoir ce qu’il se passe dehors au final “