« Quand je suis arrivée sur Lux, j’étais dévastée. Allison m’avait menti pendant des années, ma famille était possiblement décimée malgré tous mes sacrifices et je ne pouvais plus rien y faire. Je n’étais même plus dans le même monde. Je pense que la seule raison pour laquelle je n’en souffre plus autant aujourd’hui, c’est parce que je ne me souviens plus des détails. J’ai passé des années seule, dans la nature, refusant de côtoyer la civilisation. Je suis même pas sûre de pouvoir dire que j’aie un jour vraiment réintégré le monde civilisé. »

La voix d’Alasie avait quelque chose d’apaisant. Luka ne comprenait pas pourquoi la mondaine qui lui racontait tout cela mais elle flottait dans une espèce d’entre deux, incapable de bouger, incapable de réagir. Alors elle écoutait patiemment que la mondaine finisse son histoire. Un court silence s’installa entre les deux jeunes femmes alors que Luka continuait de retenir quelques sanglots qui souhaitaient s’échapper. Luka n’avait plus la force de pleurer, alors elle se contenta de se perdre dans l’immobilité dans laquelle elle s’était plongée. À quoi bon, après…

« Tout ça pour dire que je comprends ce que tu ressens, même si nos situations sont différentes. Mais surtout, je trouve que tu t’en sors terriblement bien. Tu joues un rôle très important pour tous ces enfants, tu t’occupes d’eux du mieux que tu peux et tu arrives à te battre tous les jours en ayant cette immense tristesse en toi. Au fond, tu m’impressionnes. Je pourrais sûrement te battre dans n’importe quelle épreuve physique, mais tu es bien plus forte que moi. »

Luka ne put empêcher un demi-sourire amusé de s’étirer sur ses lèvres. Cette Alasie avait une bien piètre façon de remonter le moral des gens. Hé, t’es p’tre nulle en bras de fer mais franchement, tranquille. C’était tellement ridicule que Luka en oublia presque le reste. Puis finalement, elle repoussa l’étreinte d’Alasie en secouant la tête. Au moins, elle avait retrouvé un peu plus de constance que tout à l’heure.

« T’es pas censée t’occuper des enfants, toi ? Jusqu’à preuve du contraire, j’en suis pas une. »

Son attitude avait tout l’air de celle d’une cheffe surprenant son employée en train de faire n’importe quoi, mais le demi-sourire et les joues rougies de Luka donnaient une toute autre image. Ce n’était qu’une gamine qui essayait de faire bonne figure en passant par l’humour. Les mains sur les hanches, elle ne trompait personne. Pourtant, elle essayait. Son cœur était toujours aussi brisé et elle avait besoin d’être au calme. Visiblement, Alasie avait vu clair dans son jeu. Luka laissa ses épaules s’affaisser un peu.

« Merci Alasie. Mais ne t’inquiète pas pour moi, ça va aller. J’ai l’habitude, tu sais… »

Non, Alasie ne savait définitivement pas. Luka secoua la tête, effaçant temporairement toutes ses pensées négatives au sujet de Lux et de Romy.

« Allez, je vais me rendormir. Tu devrais rentrer chez toi. »

Luka lui désigna la porte du menton. Alasie semblait peu sûre, incapable de savoir si elle devait partir ou rester. Alors Luka fit ce qu’elle faisait de mieux : elle lui fit un grand sourire. Il dû être juste assez convainquant car Alasie quitta la pièce sans demander son reste. Luka se laissa alors tomber par terre, contre la porte, entourant ses jambes de ses bras. Elle resta immobile comme ça pendant plusieurs minutes, peut-être même une heure. Finalement, Luka se redressa et sorti à son tour. Elle ne pourrait jamais se rendormir, alors autant se balader…