Mackenzie resta silencieuse un long moment, comme plongée dans ses propres pensées. Luka décida d’en faire de même et porta son regard vers la mer, là où l’horizon se dessinait au loin. Au début, elle pensa à Eliana et à la ville, puis aux orphelins et aux enfants dans leur globalité. Et enfin, inlassablement, ses pensées se dirigèrent vers Romy. Est-ce que Luka aurait quand même fini ici si Romy n’était pas morte ? À quoi aurait pu ressembler leur futur dans un monde où elles auraient pu grandir ensemble ? Vieillir ensemble ? Maintenant, Luka ne pouvait ni vieillir, ni avoir Romy. La Roublarde n’en était même plus triste. Elle était juste lasse, fatiguée de vivre dans un monde où elle n’avait absolument aucun contrôle, où même ses plus infimes choix étaient réduits à néant. À quoi bon ?

« J’espère qu’elle arrivera à faire quel chose que de biens pour ces enfants. Après tout, ils n’ont rien demandé… »

La voix de Mackenzie arracha Luka à ses morbides questionnements. La Roublarde mit un instant avant de comprendre de quoi parlait Mackenzie. Elle ? Romy ? Luka plissa légèrement les yeux. Ah. Eliana. Luka soupira, tentant de remettre de l’ordre dans ses idées. Au fond, elle espérait aussi qu’Eliana ferait quelque chose de bien pour Lux. Elle voulait vraiment y croire. Eliana était une bonne personne, c’était indéniable… mais Luka ne parvenait pas à s’accrocher à cette simple garantie pour le futur. Après tout, ça ne serait pas la première fois qu’elle était déçue par les tournants que la vie lui imposait.

« Dis, tu veux que l’on marche un peu ? Je ne voudrais pas que tu tombes malade… En plus de ça, me semble que le sable mouillé comme ça, ce n’est pas la chose la plus confortable. »

De nouveau, Mackenzie ramena Luka à la réalité. La Roublarde regarda la mer, puis Mackenzie, puis la plage, et enfin hocha la tête avec un maigre sourire. Mackenzie s’empressa de se redresser et tendit une main que Luka saisit sans l’ombre d’une hésitation. Marcher lui ferait sûrement du bien. Cela faisait trop longtemps qu’elle était par terre à se morfondre sur des choses passées. Luka frotta son jean pour enlever le plus gros du sable humide qui avait fusionné avec ses vêtements puis commença à marcher en direction de l’inconnu aux côtés de Mackenzie.

« Alors, raconte-moi un peu tes dernières aventures. Ce sera sûrement plus joyeux que tout ce que je viens de dire, ahaha. »

Luka pencha sa tête légèrement sur le côté en fixant Mackenzie avec un grand sourire. Elle replaça maladroitement son écharpe pour pouvoir s’y emmitoufler sans problème et glissa ses mains dans les poches de sa veste.

« J’espère que tu ne t’es pas encore battue contre un ours… Ou que tu as mangé des baies qui ne rendent pas malades. T’es la reine pour manger les mauvaises baies. »

Luka fronça les sourcils, comme si elle avait une quelconque leçon de moral à offrir à Mackenzie. Elle aussi, si elle n’avait pas le pouvoir qu’elle avait obtenu, elle mangerait les mauvaises baies. Après tout, Luka pouvait voir la liste des caractéristiques de tout de qui était un tant soit peu naturel… les baies n’avaient donc aucun secret pour l’ancienne Fougueuse.

« Je suis partie, en autre pour ramasser des champignons. C’est pour un scientifique un peu bizarre, enfin, peu importe. Il avait trop peur d’aller amasser certains champignons et autres produits qui se trouvent vers les montagnes. Il m’a donné quelques conseils, du genre "tu peux manger ceux-là si jamais, etc." »

Mackenzie n’en était qu’au début de son histoire que Luka avait déjà un sourire énorme sur les lèvres. Elle s’imaginait parfaitement la Fougueuse accepter une mission, écouter les conseils puis les oublier aussitôt au profit d’autres informations plus intéressantes. Luka adorait écouter les histoires de Mackenzie car, en plus d’être passionnantes, elles étaient racontées avec une fougue incroyable. C’était comme les revivre en tant que visiteur !

« Bah, j’étais un peu désespérée à un moment et je ne fais plus du tout confiance aux baies maintenant, du coup, je me suis "bah, vas-y Mackenzie, qu’est-ce que tu y perds ?" C’est que j’y ai perdu deux journées d’explorations parce que j’étais malade, j’ai limite cru que j’allais crever en plein milieu de la forêt. J’aurais limite pu faire la morte si j’étais arrivée nez-à-nez avec un ours ou un loup. »

Cette fois-ci, Luka explosa de rire. Évidemment, ce n’était pas drôle d’imaginer Mackenzie aux portes de l’agonie à cause d’un mauvais champignon, mais la façon qu’elle avait de raconter son histoire eu raison du rire de Luka qui avait bien du mal à se calmer. Le Roublarde fit néanmoins un effort devant le désespoir dramatique de Mackenzie, se mordant la langue pour ne pas rire davantage.

« Je ne veux plus jamais toucher à des champignons non plus. La prochaine fois, tu veux bien m’accompagner pour éviter que je meure intoxiquée ? J’apprécierais tellement ! Sinon je vais essayer de repérer les baies qui ne rendent pas malade… »

Luka rit de nouveau. Mackenzie était si expressive qu’il était impossible de rester de marbre face à ses histoires, toutes plus rocambolesques les unes que les autres. Comment refuser à Mackenzie quoique ce soit quand elle avait cette tête de désespoir ? Luke lui mit un léger coup de coude dans les côtes avant de répondre :

« Ce serait criminel de t’abandonner à ton triste sort. Je ne voudrais avoir une autre de tes terribles agonies sur la conscience. Va pour je t’accompagne la prochaine fois. Je te ferai des dessins de ce qui se mange ou pas, comme ça, t’auras plus de problème ! »

Il était évident que les talents de dessin de Luka était au moins aussi haut que l’envie de Mackenzie de sortir un livre avant de manger, mais l’intention était là ! Luka rit de nouveau avant d’ajouter :

« Enfin, quand j’aurai réglé quelques soucis avant. Mais après promis, on ira à l’aventure quelques jours si tu veux. Comme au bon vieux temps. »

Au bon vieux temps, voilà que Luka se mettait à parler comme si elle était sur Lux depuis des années ! Pourtant, cette fois, Luka n’était pas triste en repensant au temps passé sur Lux. Pour une fois, Luka souriait sincèrement. Après tout, elle était avec Mackenzie ! Comment être triste dans de telles conditions ?